Improvisators Dub

Ils arrivèrent de Bordeaux avec une solide réputation scénique et allaient encore en faire la démonstration lors de leur concert au Café Music en avril dernier. Les IMPROVISATORS DUB font parti du fer de lance de cette nouvelle scène dub française qui éclot depuis la fin des années 90. Leur précédant opus, « Dub & Mixture », avait généré d’excellentes critiques et rassemblé auprès d’eux des fans de plus en plus nombreux. « Live Act Outernational » les impose comme les activistes du live dub les plus passionnants. La version vinyle de leur nouvel album s’est vendue comme des petits pains. Voici l’interview réalisée principalement avec Franck qui, décidément, avait beaucoup de chose à nous dire. Peut-être est-ce le juste retour des choses quand on fait parti d’un groupe instrumental !

Vous allez tout d’abord vous présenter et nous dire ce que vous faîtes au sein du groupe ?
Franck : je suis le batteur du groupe.
Francis : je suis saxophoniste, je joue aussi de la cithare et de divers instruments.

Un petit historique des IMPROVISATORS DUB ?
Franck : Nous avons démarré y’a sept ans, en 1994-1995. Au départ, le groupe jouait plutôt dans la rue, faisait des fiestas. Plusieurs formations se sont succédées, notamment avec plus de membres sur le premier album « Hybride ». Au paravant, on a fait un 45t pour Fashion (label de disques reggae anglais, ndlr) et aussi un maxi sur le label de Manu : « Manutention ». Sur une face, Manu a mis un morceau ragga-jungle de potes et sur l’autre, un dub d’IMPROVISATORS plus électro-digital (comme nos premiers morceaux parce que nous avons toujours été attiré par les machines bien qu’on aime aussi le traditionnel). Puis, le groupe a eu une seconde phase qui correspond à notre deuxième album « Dub & Mixture ». On est passé d’un style instrumental à un style plus « Steppa », disons dub à l’anglaise : « Yard dub digital anglais » ! C’est ce qui nous intéressait le plus, le mouvement « Rockers » avec ce beat sur tous les temps, un peu à la Sly Dunbar (célèbre batteur jamaïcain, ndlr). Nous allons sortir notre troisième album « Live Act Outernational » qui sera dans les bacs le 9 mai…
L’histoire du groupe tient dans la rencontre de plusieurs personnes. A la base, Manu a toujours été à la guitare, Nico à la basse, Laurent pour la batterie et les percussions. Francis faisait aussi partie de la formation, mais avec ses voyages en Inde… Les membres viennent d’un peu partout : Paris, Landes, Gers, Espagne, Réunion, Bordeaux. Donc, c’est un melting pot ! Notre façon de travailler est assez ouverte. Nous avons toujours évolué dans un milieu très créatif. Nous étions un peu à l’écart de tout ce qui sonnait commercial pour pouvoir récolter les fruits de ce que nous avions semé plutard. Et grâce à ce travail, nous sonnons mieux maintenant, à l’anglaise.

Chez les Anglais, c’est surtout les machines ?
Franck : Oui, mais c’est surtout des écoles de sound systems et c’est différent du live. Et nous, nous créons ça justement : un groupe live qui pratique le dub. Cela existe déjà puisqu’il y a d’excellent groupes de reggae qui jouent de très bons dub dès qu’on omet le chant ou qui interprètent d’excellent instrumentaux sur scène, comme les Skatalites par exemple. Les Jazz Jamaica, aussi, ne sont pas loin de faire du dub par moment ou même LKJ en a fait… Avec les IMPROVISATORS, nous essayons d’y apporter une originalité et notre identité différente. Nous essayons d’être crédible au niveau du son, de la culture puis de la famille dub tout simplement.
Francis : Moi depuis que je suis dans IMPRO, je n’ai jamais vu une fois où quelqu’un voulait amener quelque chose de nouveau et qu’une autre personne ait dit : « non, ça ne passe pas ! ». Nous amenons tout ce qu’on veut. Nous le testons, et en général, c’est toujours accepté.

Est-ce comme cela que vous créez vos morceaux ?
Francis : Oui, nous partons sur un riddim. Et, par exemple, j’introduit un instrument que j’ai ramené ou que j’ai trouvé en brocante : « Tiens, c’est sympa cette petite mélodie ! ». On ajoute un effet de machine. C’est du spontané quoi ! Puis nous en arrivons à structurer les morceaux. Car en fait, nous enregistrons tout ce que nous faisons en répet’. C’est notre manière de travailler. Comme ça, nous voyons les choses que nous ne faisons pas d’habitude et qui nous disent : « Cela, il faut le faire ». Nous nous mettons toujours en question pour faire ressortir de nouvelles choses qui puissent tenir la route. Les choses arrivent naturellement : pas de prise de tête sur un morceau ! On cherche jamais, on trouve ! (Rires).
Franck : C’est vrai qu’à chaque fois nous avançons comme ça, mais spontanément pas avec ce côté structure. Parce que dans le structuré, on peut perdre le groove que nous recherchons. Dans le dub et les sounds system dub, c’est le style steppa, groove, concious, qui mène la danse. Et ce n’est pas n’importe quoi. Notre dub n’a pas de parole. Cela veut dire que nous pouvons être les même partout, jouer de la même façon partout, sans se préoccuper d’avoir un discours. Pour nous, c’est la musique avant tout et son côté culturel : le dub qui vient du reggae. Le dub existe depuis trente ans. C’est comme le jazz ou le blues, ce sont des mouvements musicaux qui font parti de familles qui ont des idées, des positions et des convictions. Le ska, le dub et le reggae sont des musiques sociales. Et nous nous y retrouvons dans cet esprit là. Et ce n’est pas par hasard que nous faisons du dub et que nous en ferons encore longtemps.
Francis : Nous faisons tous des trucs différents aussi. Par exemple, Manu fait ses sounds system ; Knarf ( ndlr : le batteur) joue dans un autre groupe, fait de la peinture et dessine ; moi, qui joue dans un autre groupe aussi… Nous avons plein d’influences qui ressortent quand on se retrouve ensemble.
Franck : Nous sommes un groupe d’individus différents les un des autres. Et nous évitons d’apporter trop de sérieux pour pouvoir faire corps avec la musique. Quand on joue live, on est porté par le public. C’est différent du studio, on ressent une vague.

Pour travailler comme vous le faîte sur des bases d’improvisations, il faut déjà être un musicien confirmé. Des jeunes rechercheraient plutôt un style plus structuré justement !
Franck : Nous sommes assez culottés. Nous nous sommes mis une barre des fois, alors que nous n’étions pas au niveau ! Mais nous l’avons passée grâce à un feeling, une motivation. Il suffit d’y croire parce que tu as un public devant toi, des potes, et il faut que ça assure.
Francis : Je me rappelle quand je suis arrivé dans IMPRO, c’était ça qui m’avait cloué. Comme on dit vulgairement : « ils ont des couilles » ! ! Je n’avais quasiment jamais répété avec eux. J’arrivais sur scène : « Allez, vas-y !», puis on se lâchait. J’arrivais de groupes bien structurés, ça fait longtemps que je fais de la musique. Et c’est ce qui m’a plu chez IMPRO : pas de prise de tête et pas de triche. Et ça, le public le ressent de suite. Tu es ce que tu es, avec tes défauts et tes qualités. Même si tu fais une fausse note, le public va s’en rendre compte mais il sent que tu n’en as rien à faire…
Franck : Oui, parce que tu vas donner double dose après ! Parce qu’il est hors de question que tu refasses un planton, et en plus, il va falloir que tu t’y mettes. Et comme dit Francis, nous nous sommes permis de ne pas répéter pendant deux ou trois mois. Puis il faut faire un concert comme deuxième groupe, avec mille personnes dans la salle. Tu as une heure et demie pour faire un bon show (rires). Et tu passes un set grave où tu t’es éclaté, où tu sors en sueur. Donc tu te dis que ce n’est pas qu’une question de travail. Il y a une part de sensibilité, d’émotion…
Francis : Pour moi, c’est 50 % de la musique. Souvent, le système essaie de faire apparaître les personnes comme des images ou des icônes. Mais tu ne peux pas leurrer le public. Il s’en rend compte de suite. Il faut un bon état d’esprit.
Franck : D’ailleurs, nous avons toujours continué grâce au public. Nous avons fait toujours un peu de monde à nos concerts, de plus en plus, mais jamais trop « gavé », un bon public hétéroclite en plus ! Donc les concerts ça le fait, y’a des rappels, et comme on s’éclate bien, on continue. Sans parler commercial ou business, s’il n’y avait que très peu de monde, cela ne le ferait pas du tout, du tout ! ! Fabriquer des choses, les partager, pouvoir en vivre pourquoi pas. La question ne se pose pas à l’envers : d’abord la passion, après on arrivera peut-être au bout de la direction que l’on s’est donné.

Quand on vous entend parler, on comprend le pourquoi du nom du groupe IMPROVISATORS DUB !
Franck : Oui, mais quelque part on ne peut pas être catalogué. On est trop large, on essaie d’être ouvert. Quand on se « plante », on tente de prendre du recul pour changer d’avis, pour tout remettre en question. C’est ça le but et la difficulté, elle est là justement. Et nous dans le groupe, c’est la musique qui nous uni. C’est pas la structure, ni la technique, c’est la matière sonore qui nous rassemble…
Francis : …La créativité, la spontanéité et l’état d’esprit du moment. Tu peux être à côté de la plaque parce que tu n’es pas bien et faire un concert de merde, mais pas tous quand même.
Franck : Le dub, ça fait « long time » que ça existe et y’en a encore pour longtemps. Sept ans, c’est jeune pour un groupe. Il faut dix ans de pratique où tu restes bien soudé avec des objectifs autour du dub et de la famille dub. C’est comme combat que tu mènes « long time ». C’est pas « fashion » ou commercial, nous ne faisons pas du dub pour ça. Si tu vends des disques, c’est super ! Ca veut dire que c’est ton public qui te l’achète. Nous, notre public on le connaît. Nous avons fait du merchandising dans les salles de concert. Nous parlons avec les gens. Nous faisons des échanges avec nos disques. Nous essayons de distribuer des artistes qui le sont pas trop, ou régionaux ou anglais ou autre. Car en Angleterre, il ne faut pas croire que ça marche tant que ça. Il faut exploser le dub « outernationalement ». C’est pas à un endroit qu’il faut que ça bouge. Le dub peut plaire à toute la planète. Le ska, le reggae, le dub, peut plaire encore plus que des musiques aussi parallèles, plus dures comme le hardcore, la noise, le garage-punk, des styles plus rebelles dans la musique. Mais la pensée, c’est la même. Ce sont des musiques plus agressives. Il y en a peu qui sont bonnes parce que l’agressivité, nous en recevons tous les jours. Je pense que la musique est faite pour le bon, pour nous donner la bonne vibration. Notre dub peut être agressif aussi. Mais le but est de l’être de moins en moins, de rechercher plus de groove pour donner de bonnes choses aux gens, des « potions » comme disent les Jamaïcains. L’amour, l’herbe, la musique, sont des potions. Y’a pas d’arrangement comme dirait les Toulousains. (ndlr, Francis s’éloigne laissant sa place à Manu).

Manu, présente-toi.
Manu : Je joue de la guitare, des samples et puis des p’tits bruits. voilà !

Bon, des structures, il faut tout de même non ? C’est quoi Dub Corner ?
Franck : C’est un pseudo nom qui rassemble le dub du coin sur la région. Ce n’est ni une association ni une structure. Maria s’en occupe ainsi que du merchandising, moi et puis tout le monde aussi. On y trouve le label Manutention, le label que nous sommes en train de monter qui s’appelle E-Dub-A ( ?). Nous comptons produire des petits groupes régionaux, dont Usine à Dub en premier, qui est un groupe de Pau/Bordeaux. Ensuite nous avons monté une association, I Dub Sound. L’idée est le dub illimité sous toutes ses formes : distribution, diffusion, promotion, production. Tout ce que tu veux en « ion ». Pas nation, non ! (Rires). Je ne suis pas drôle, mais moi, ça me fait rire ! !

Quasiment à chacune de vos sorties de disques, il y a eu un lien avec l’Angleterre, non ?
Manu : C’est grâce à Junior Delgado que nous avons pu décrocher un 45t à Londres, pour Fashion records. Chris Laine a remixé le morceau. Depuis longtemps, il fait des critiques sur les dos des pochettes d’albums d’Augustus Pablo et pas mal de groupes de reggae. Il a créé les magasins qui s’appellent Dub Vendor à Londres… On avait fait Jah Shaka à Bordeaux où nous avions rencontré la personne du merchandising. Et c’est grâce à lui que cela a fait boule de neige là-bas. Par la suite, « Hybride », mais nous l’avons réalisé nous-même et le deuxième aussi. Mais nous avons voulu faire appel à The Disciples pour qu’il vienne nous remixer. Et comme c’est une tradition dans les groupes de dub, des studios se rencontrent. King Tubby mixe The Upsetters, Disciples mixe Alpha & Omega.
Franck : C’est notre côté ouverture. Les rencontres sont fréquentes, que ça soit des mixers ou des chanteurs, des groupes dub entre eux comme Jah Shaka meets The Revolutionaries (une face du disque pour chaque groupe). Pour nous, cela c’est passé au niveau du mixage.

C’était le 10 mars dernier. Disciples et IMPROVISATORS DUB réunis sur la scène du théâtre Barbey de Bordeaux…
Franck : Usine à Dub était là aussi. Puis y’a eu IMPRO. La soirée était surtout pour nous en fait. Et Disciples a clôturé la soirée. C’était génial. Usine à Dub a fait une bonne intro. Nous, IMPRO, on a écrasé. Puis Disciples, il a tout pulvérisé. (Rires). Les gens se sont bien éclaté. C’était pas cher : 50f. Il y avait 700 personnes, tous hystériques. Nous nous étions mis tout ce qui fallait pour avoir le recul nécessaire pour faire un bon concert. (Rires). On l’a enregistré, il sort donc en live. Ca représente bien ce que nous savons faire à l’heure actuelle, avec ses défauts et ses qualités. Il faut marquer les choses sur le temps.

Vous avez la chance d’être sur une ville qui bouge beaucoup. Y’a eu plein de soirée dub au Jimmy. Le Zoobizarre a pris le relais maintenant. Des disquaires spécialisés reggae se sont installés. Bordeaux depuis deux-trois ans a beaucoup fait aussi pour la scène ska par exemple.
Franck : Un des meilleurs groupes de ska français, c’est bien les ASPO ! (Rires). Leur dernier album est redoutable. Il y a quatre à cinq titres, des compositions originales, que je trouve excellentes, dignes des Jamaïcains. Francis notre saxo, joue aussi dans ASPO.

On ne voit quasiment que des groupes ou des sound systems anglais en concert. Alors que, par exemple, la scène dub allemande est très importante.
Franck : Les Anglais, c’est un peu les parrains de cette musique « yard » parce que les précurseurs sont King Tubby, Scientist, Jammy’s, Errol Thompson, Lee Perry et bien d’autres. Nous suivons cette famille là. C’est culturel, riche.

Définissons les styles de dub pour nos lecteurs.
Manu : Pour commencer, le dubwise que tout le monde connait plus ou moins, c’est le dub cool. Puis vient le rockers dub, fin des années 70-80, des groupes comme Revolutionaries. Le rockers est plus rapide, plus prennant. Le dubwise a un tempo lent, plus profond. C’est old school jamaïcain. Puis de Londres arrive le dub steppa, digital, avec des infra-bass, et surtout une grosse caisse avec un one shot très présent. Dans le style, on trouve Iration Steppas, Alpha & Omega, jah Free, Vibronics, Jah Warrior, Jah Shaka… Y’en a plein. Les Anglais ont toujours travaillé avec les « Yardies » (Jamaïcains, ndlr), il y a toujours eu ce contact. On dit souvent : « Dub is Reggae, Reggae is Dub ».
Franck : Nous arrivons encore après. Disciples a la quarantaine, soit dix ans de plus que nous. Et, nous amenons les machines et le côté joué en live. Nous ne sommes pas les seuls, je pense à Iration Steppas. Autrement, on parle de sound system qui diffusent la musique comme Aba-Shanti-I ou Jah Shaka. Il ne faut pas confondre avec des groupes dub comme Iration Steppas, qui est déjà un groupe puisqu’il y a un musicien. C’est différent, c’est un « live act ». De même pour nous, Impro, Zenzile, High Tone, Lab°. Le live est plus basé sur un esprit de performance, pas le sound system qui est plus rural, populaire. Pour un live, rien n’est programmé. Il faut faire les rythmiques, les basses ne sont pas dans la machine où tu appuies sur le bouton. Ou alors c’est du MD (ndlr : minidisc) ou de la platine, mais ça c’est du sound system. La manière dont sont diffusées les choses vont faire un bon ou un mauvais sound system. Mais on peut expérimenter autant en sound system que dans un groupe, par les mixages notament.

Je vais comparer le dub à la techno, qui a commencée dans les années 70 avec la disco, puis arrive la house dans les années 80, et la techno à l’heure actuelle qui a explosée en multiples styles variés, sans oublier la jungle un des liens entre dub et techno. Qu’en pensez-vous ?
Manu : Comme je te disais tout à l’heure « Dub is Reggae, Reggae is Dub ». Par exemple, tu as certains groupes qui faisaient du hardcore avant et qui, du jour au lendemain, se mettent à faire du dub… Le dub qu’ils font n’est pas nourri par la culture. Par ce que pour jouer du dub comme pour jouer du reggae, il faut l’avoir dans le coeur et le ressentir. Donc il faut une culture. Et ce n’est pas parce qu’il va y avoir des champs d’écho ou de la reverb que c’est du dub. Non ! Par contre, comme tu disais, toutes les musiques comme le disco, le rap, la jungle ou la techno, sont d’inspiration dub forcément ! Même si ce n’est pas la même lignée. Quelque part dans les années 60, la seule musique expérimentale à la rigueur, et je dis le point commun c’est la musique expérimentale puisqu’on parle de ça (une musique qui puisse être assimilée au dub), c’est la musique planante, les Floyd en Angleterre et tout ça. Mais cela n’a rien à voir, ce n’est pas du dub. La chose en commun est le côté déconstruction et l’expérimental. Et dans tous les styles de musiques maintenant, on a le dub du rap c’est le trip-hop, la disco-house c’est la même chose. A chaque fois que ce soit le rock, le jazz, on a toujours son ego expérimental en face : le rock progressif, le free-jazz… Le dub, ça fait un moment qu’il est là et c’est avant tout la musique du reggae. C’est ça qui est important, après il ne faut pas faire n’importe quoi.
Franck : Tu ne peux pas plagier ni nier les trente ans d’existance de cette musique derrière nous. Nous y apportons le côté mélange, live et identité. C’est à dire : on a tous des personnalités fortes, on expérimente tous. C’est de la créativité et porteur, tout en étant différent d’un old school parce que c’est peut-être plus violent, plus tribal. Ca sonne IMPRO ! Ca reste dub car on tient à cette culture. Et les mecs qui pensent qu’on peut dissocier le dub du reggae se mettent un doigt dans le nez ! Il faut arrêter de mentir parce que c’est black, Jamaica, Africa et tout ça. Ce n’est pas nouveau que des styles hyper commercial ou même de daube grave dans les années 80, mettent du dub sur leur album quand ils font des remixes, enlèvent les paroles et que cela part en déconstruction. Même autour des 70’s, y’avait du dub qui n’en n’était pas. Tous les dix ans, ils nous en ressortent. (Manu vient de nous quitter, je finis cette interview seul avec Franck).

Vous militez pour une certaine crédibilité de la musique qui repose sur une culture !
Franck : Oui. Les gars qui jouaient du be-bop, n’ont pas dit qu’ils avaient tout invité. C’était leur façon de prendre les choses et de les retranscrire d’une manière neuve avec un autre apport. C’est comme cela qu’une musique évolue. Si on est bien attentif, on peut deviner les mouvements qui seront ouverts pour le futur. Tu peux y être directement dedans en sachant que tu ne te brûleras pas les ailes. En plus, tu vas faire un long chemin instructif, nécessaire et bénéfique. Et tu pourras partager une bonne partie de ton apprentissage. C’est porteur. C’est ce pourquoi le système lutte pour éviter que nous arrivions à une certaine autonomie. Le but n’est pas que de se faire du pognon sans avoir de plaisirs. Non, il faut être bien dans sa tête, avoir des idées saines et être honnête. Il faut éviter la « vampirisation » ou le « moutonnisme » ! Parce que les gens n’y croient plus, que le système fait pression.

Je crois aussi que les gens sont flemmards et acceptent tout ce qui leur vient sans critique parce que c’est en vogue.
Franck : Flemmards, non. Je pense que l’homme est trop travailleur justement. Il est en train de foutre en l’air la planète. Donc s’il était flemmard, il y aurait plus de forêts, d’oxygène, moins de catastrophe, de dégâts… L’homme est trop actif. Il devrait se calmer et s’orienter plus vers le créatif. S’il y a un bien un message que nous revendiquons, c’est celui-là ! Il n’est pas dans la lutte politique, ni dans la lutte pour la monnaie. Il vaut mieux rester simple et d’une certaine qualité, plutôt que d’en avoir trop et puis à un moment te briser les ailes. Pour moi, c’est la pire des choses qui puisse t’arriver ! Les gens qui ont trop et qui ne donnent pas assez, m’énervent. Le système pousse à l’égoïsme. Dans la réussite, il y peu de partageurs. Alors que cela serait le but : une société plus partageuse.

Mais cela reste utopique !
Franck : Oui, mais les débats déformés sont trop nombreux. Tout est rapport à l’argent, sans profondeur. Et puis il y a trop de questions. Il faut aborder les choses avec des solutions. Il faut souvent y réfléchir et concerter ses solutions avec celles des autres pour les remettre en question dans des débats qui, du coup, vont avancer. Mais non en commençant les débats toujours avec des questions stupides qui font partir les gens dans des digressions stériles. Souvent nous passons à côté du fond des choses par manque de lucidité. Mais dans les générations qui arrivent beaucoup ne se leurrent pas. Et ils seront dans la rue s’il le faut.

La prochaine sortie de disque est donc le « Live Act Outernational ».
Franck : Le live en dehors des nations, une forme d’internationalisme, d’ouverture d’esprit, d’être sur la planète. Nous défendons le pluriculturel. Nous sommes contre le préjudice racial et quelques préjudices que se soient, à partir du moment ou ça pue ou ce n’est pas honnête ou c’est pourri ou facho ou cela va dans la négation totale. La négation, il peut y en avoir mais il faut du positif dedans… Un truc que je voulais te dire tout à l’heure, une parenthèse sur le dub : par rapport à des musiques plus froides, le dub-noise qui arrive, n’est pas bon. Dire que: « Jah est mort », c’est mauvais. Ce n’est pas la bonne philosophie. Les mecs qui font ça ne sont pas sur le bon chemin. Ils ne se sont pas rendu compte de la portée que cela a. Le dub, sa vocation rebelle n’est pas là-dedans. La part de noirceur est le Noir qui vient du ghetto mais c’est aussi un côté « plus jamais ça » ! Méchant dans la solidité, l’endurcissement, la lutte active (sociale, politique, économique…).

Après ce nouvel album, quels sont vos projets sur le long terme ?
Franck : Nous montons notre label E-Dub-A record ( ?). Un maxi 25 cm/10 pouces du groupe Usine à Dub de Pau-Bordeaux va sortir en collector à 200 exemplaires. Nous voulons aider les petits groupes régionaux, le label servant de tremplin. Tout va aux artistes. Nous gardons seulement les moyens de pouvoir sortir un nouveau 200 exemplaires avec des groupes différents. En projet, nous avons le quatrième album d’IMPRO qui sortira dans pas longtemps car nous sommes très motivé. Nous enregistreront peut-être cet été, en août.

Peux-tu me donner cinq références d’albums pour découvrir le dub ?
Franck : Déjà un bon King Tubby pour le old school, n’importe lequel est excellent de 1972 à 80. Il a mixé pour divers artistes, fait plein de choses différentes. Mais tu peux être sûr que c’est une référence. Après il faut un bon Lee Perry, pareil n’importe lequel. Mais il a fait de tout aussi, il touche a tout. Par exemple, il a réalisé un album techno qui s’appelle « Techno Magical », très intéressant, techno-indien. Perry tchatche dessus avec des paroles dada, un truc de fou quoi, à acheter ! Compréhensible par tout le monde, tous les peuples de la planète. Et c’est ça que je trouve fort chez ce gars : il a des « lyrics outernational » ! En troisième, je te dirai un bon Scientist ou un Jammy’s ou un Fatman pour rester encore dans le old school. Après je te conseille un bon Jah Shaka pour voir plus les années 80 sous l’angle steppa anglais. Tu as aussi à la même période ce que j’appelle « Reggaematic », le digital par Jammy’s et consorts, un son très électro 80 en boucle. Mais c’est une autre école différente du steppa dub. Il faut prendre ensuite un album français pour découvrir la scène. Parce que c’est sympa, c’est une bonne école, chacun ayant ses propres roots. En dernier, un truc bien « chelou » comme l’album des Hi-Tek Roots Dynamics fait à New York ou un Badawi, Bedo & Sound Clash qui est excellent. C’est du dub américain faisant partie de la famille ambiant dub expérimental avec un peu de house dedans. Quand il est travaillé culturellement reggae, ça passe super bien comme Zion Train ou les Hi-Tek ou Usine à Dub qui fait un peu ça aussi. Encore une autre famille, un skank différent plus meditation. Mais ça plait aux gens aussi. Puisque je n’arrête pas d’en parler : je joue du melodica et des percussions avec Usine à Dub ! C’est du dub électronique, ambiant avec un côté warrior dedans. Les gens dansent…

L’heure tourne. On va se quitter. Un dernier petit mot ?
Franck : Merci de nous avoir interviewé pour le Caf’Zic n°25. Bonne continuité pour tous les fanzines régionaux ou autres. Et j’espère que nous pourrons faire de grosses fêtes ensemble dans l’avenir. (Rires).

Propos recueillis par Toshiba.

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