Dr. Ring Ding

Dr. Ring Ding & The Senior Allstars est un groupe allemand qui est rapidement devenu, depuis la moitié des années 90, une des pointures de la scène ska-reggae internationale. Leur inspiration musicale vient tout droit de Jamaïque : du ska au ragga en passant par le dub. D’ailleurs ils ont pu collaborer avec des chanteurs de l’île comme Derrick Morgan, Doreen Shaffer, Lord Tanamo ou Winston Francis. Signé sur le label Grover records, la formation compte parmi les meilleures ventes de celui-ci… Leader du groupe, Dr. Ring Ding a multiplié dernièrement les collaborations avec Spook & The Guay, Ngobo Ngobo, King Django des Stubborn Allstars, Rocker T, H-Blockx… De leur côté, les Senior Allstars ont sorti un album d’instrumentaux.

C’est au CAT de Bordeaux que nous avons pu rencontrer Richie Senior, alias Dr. Ring Ding, le 22 mai dernier. Ex-Bosso Und Die Ping Pong, l’homme chante, tchache et joue du trombone. Notre artiste possède un franc parlé, un humour sympathique et nous met rapidement à l’aise. Nous passons trois quarts d’heure tranquillement, Richie répondant attentivement à chacune de nos questions…

Nous le retrouvons quelques heures plus tard, sur scène cette fois-ci, accompagné par les Senior Allstars biensûr. Dès le premier morceau, la salle se met à danser. La formation enchaîne titres sur titres pour un public qui en redemande, jamais rassasié ! Danses, hurlements, applaudissements, rappels : près de deux heures de vrai plaisir ! Nos musiciens savent communiquer leur passion musicale avec brio. Et chacun des concerts auxquels ils nous convient, sont autant de rendez-vous pour faire la fête.

Interview en français dans le texte, puisque Richie le parle couramment grâce à sa mère qui est une compatriote ! ! ! Confidences :

Richie, présente-toi.
Richie : Je m’appelle Richie, Dr.Ring Ding. Je fais parti de Dr. Ring Ding & The Senior Allstars d’Allemagne. Nous sommes en tournée actuellement en Europe. On vient d’Espagne et aujourd’hui c’est notre première date française.

C’est donc la tournée de promotion de vôtre nouvel album « Big Up !». Parle-nous de celui-ci.
Richie : Il sort aujourd’hui en France, je crois. Il y a treize morceaux dessus. Comme d’habitude, il existe un pressage cd et un vinyle chez Grover. Il sorti en Espagne sur Tralla records. Pour la France, ça va sortir sur Small Axe/ Tripsichord.

J’ai cru comprendre qu’il y aurait beaucoup de Rub’a’Dub dessus.
Richie : Il y a beaucoup de toasting dessus mais de styles différents : du vieux dancehall style des années 69-70, comme I-Roy ou Prince Jazzbo par exemple, jusqu’à maintenant. Le ska est présent aussi, mais pas autant que sur le premier album où il y avait une moitié ska, l’autre rocksteady-reggae. Il est plutôt reggae, rock steady et un peu ska. On a expérimenté aussi avec du dub. Et nous avons réalisé une reprise d’un morceau soul de Curtis Mayfield qui s’appelle « Move On Up ». Nous l’avons fait à notre façon : ska-reggae avec de nouvelles paroles mais le message est le même. Il y a plus de reggae dessus que sur les précédents.

Il me semblait voir cette progression dans vos concerts, une tendance plus reggae-dancehall.
Richie : Dans les concerts, nous jouons un tiers ska traditionnel, un tiers reggae-ragga-dancehall et un tiers reggae-dub/reggae-rock steady genre instrumental, genre année 70. Tu as raison si tu dis que le ska n’est pas aussi présent qu’il y a six ans. C’est le développement naturel.

Dans l’interview que tu as donnée pour le Skanews n°51, j’ai lu que tu participais à des sound systems.
Richie : Oui, cela reste occasionnel. Je passe comme invité spécial, si tu veux. Ce sont des sound systems d’un peu partout : Stuttgart, Aix, Cologne, Hambourg. Ils m’appellent pour savoir si je suis disponible. Je fais des soirées avec eux comme leur star ! ! ! (rires). Mais je ne travaille pas avec un sound system en particulier. Il y en a qui sont plus près de chez moi, par exemple à Cologne. C’est à 150 bornes de Münster où je vis. Ou à Düsseldorf, il y en a un qui s’appelle Culture Rock. Celui de Cologne s’appelle Kingstown. Je fais pleins de trucs avec les sound systems. Je fais des dub plates pour beaucoup de sound sytems dans toute l’Allemagne. J’ai particpé à un sound system new-yorkais, un de Rome. A Bordeaux justement, j’ai fais un petit truc après le concert au théâtre Barbey. Mais là, c’était plutôt un truc improvisé… On va voir s’il y a une danchall party quelque part. On s’y rend, on se reconnaît, on peut faire quelque chose ! Ca arrive, c’est spontané. A Münster par exemple, s’il y a une soirée ragga et que j’y suis en tant que visiteur, et si l’ambiance est bonne, je peux faire des trucs.

Mais quand tu participes à ces sound systems, spontanément ou non, est-ce que tu utilises des textes que tu tchaches en concert avec Dr. Ring Ding & The Senior Allstars ou te sers-tu d’autres chansons ?
Richie : Les deux ! Et des fois, des choses spontanées ou improvisées qui sont biens, je les retiens et je travaille ça avec le groupe. J’ai fais des dub plate pour des sound systems avec des paroles nouvelles. Comme ça m’a plu, nous avons essayé de faire ça avec les Senior Allstars. Le morceau « Big Up » sur le nouvel album a été produit comme cela, d’un truc que j’ai fait pour un sound system près de Stuttgart. Des fois, tu as l’inspiration du dancehall pour le groupe, et d’autres fois tu as l’inspiration du groupe pour le dancehall.

Pour le choix des textes, as-tu des sujets de prédilection comme l’amour, les rude boys, la politique, les problèmes sociaux ?
Richie : Quand on est en sound system, c’est surtout de dire qu’on est le meilleur, que le sound system est le meilleur. Tout ça. Mais y’a aussi des textes qui sont un peu moins entertaiment et qui sont plus conscients (conscious lyrics). C’est ce qu’on retrouve sur le nouvel album également. Y’a toujours des morceaux sur la musique, sur la vie d’une vedette… Mais nous avons aussi des chansons à thème social…

Tchaches-tu autant en anglais qu’en allemand ?
Richie : Je toaste presque qu’en anglais, en patois jamaïcain ! Et je viens juste de commencer des chansons en allemand. J’ai sorti, avec deux autres DJ, un 45 tours en allemand. Et sur l’album, je chante un morceau trilingue : en patois jamaïcan, en français, en allemand. C’est un message d’unité qui s’intitule « One Out Of Many », qui est le moto de la Jamaïque : « One out of many, one people ». Ce qui veut dire que le peuple est formé d’identités et de cultures différentes. C’est pour cela qu’on a utilisé les trois langues. Le message est : on est un peuple de beaucoup, mais on est un peuple. C’est antiraciste, pour l’unité. J’ai commencé à faire des choses en allemand mais je ne sais pas si je vais continuer. Moi, j’aime trop le patois jamaïcain. Ca me vient plus facilement que d’écrire en allemand.

C’est parce que tu as l’oreille faite à l’anglais jamaïcain à force d’en écouter, non ?
Richie : Je pense que c’est ça, oui. Pour moi, la musique et la langue vont ensembles.

Sur les pochettes d’album, le nom d’Ekki Maas revient souvent. C’est votre producteur ? Votre ingénieur du son ?
Richie : Oui, c’est le producteur-ingénieur du son des studios où nous enregistrons. Avant c’était à Münster et maintenant il est à Cologne. Le dernier album a été enregistré à Cologne dans son nouveau studio. Ca a toujours été lui. Moi, j’ai fait des trucs avec d’autres gens comme Dr. Ring Ding meets HP Setter. Je travaille avec d’autres producteurs mais pour les enregistrements avec le groupe, à part deux chansons, nous avons tout fait avec lui.

Tu as travaillé avec des Jamaïcains, dernièrement avec Winston Francis. As-tu d’autres projets avec des artistes de l’île ?
Richie : J’aimerais bien faire plus de chose avec lui. Mais il n’y a rien de prévu en ce moment. Mais si jamais quelqu’un me demandais de faire un album, je voudrais bien le faire. Avec Winston Francis, que j’aime bien et qui est un chanteur sous-estimé, je voudrais faire quelque chose parce que je trouve que c’est un chanteur extraordinaire.

Comment se mettent en place et se réalisent ces collaborations ?
Richie : Cela dépend d’abord de notre agence de booking qui est Moskito Promotion qui fait partie de Grover records. C’est la même maison. Ils ont tous les contacts. S’il est question d’accompagner un artiste jamaïcain, ils nous demandent. C’est ce qui c’est fait avec Derrick Morgan, Lord Tanamo, Doreen Shaffer, Winston Francis, Denis Alcapone, Rico… Ben, plein de gens ! Laurel Aitken, Judge Dread (qui n’est pas jamaïcain mais anglais). Pour les autres collaborations, cela passe par des coups de fils : pour l’album « Diggin’ Up Dirt », des rappeurs de New-York que je connaissais. King Django et Rocker T étaient de passage et on avait fixé la date avant pour en profiter. Moi quand je suis à New-York j’enregistre pour eux. Et quand ils sont ici, on fait quelque chose ici. On s’entraide et ça fait plaisir. (rires).

Tu as fait une collaboration avec H-Blockx, un groupe de rock allemand pour un single qui s’est très bien vendu chez toi mais dont on a jamais entendu parler en France. Peut-être est-ce la barrière de la langue. Et c’est la même chose pour les groupes, à part vous on ne voit quasiment jamais de groupes allemands en tournée en France.
Richie : C’est normal, on est les meilleurs ! (Rires). Non, c’est parce que nous avons une agence française qui s’occupe de nous. Et puis il me semble que le reggae en France marche mieux qu’en Allemagne. Même si ça fonctionne très bien en Allemagne. Les plus gros festivals de reggae sont en allemagne : le Chimsee Reggae Festival dans le sud, le Summer Jam qui est le plus grand à Cologne. Y’en a un plutôt hip-hop dancehall à Chemnitz qui s’appelle Splash, très grand aussi. Mais pour jouer chez vous, tout dépend des agences. La plupart des choses qui arrivent en France viennent d’Angleterre, des Etats Unis et de la Jamaïque : les Wailers, Burning Spear, Morgan Heritage… Et ce n’est certainement pas intéressant pour des Français d’aller voir un groupe allemand. Je ne sais pas si c’est un préjugé, mais si j’ai le choix de voir un groupe de reggae jamaïcain ou un groupe de reggae allemand un soir. Eh bien, je pense que je n’irais pas voir l’Allemand. J’ai vu Sensimilia qui ont fait la première partie pour LKJ à Dortmund. J’y suis allé pour voir les deux parce que ça m’intéressais. Je pense que Sensimilia sont des musiciens excellents mais ce n’est pas le genre de reggae que j’aimerais jouer moi-même. De ce que j’ai vu, il y a beaucoup de tête et pas assez de tripes. Ils sont pareils que des groupes anglais comme Steel Pulse. Il font beaucoup de break, quatre mesures et un autre riddim et ceci cela, on change beaucoup. C’est très travaillé, calculé, structuré. Ils ne laissent pas courrir un riddim pendant cinq minutes, ce que j’aime faire. J’aime aussi les trucs structurés. J’aime bien quand ça groove. Et la musique ne roule pas chez Sensimilia, je pense.

A propos du Summer Jam, du festival de Cologne, avez-vous eu l’occasion d’y être programmé ?
Richie : On y a joué à deux reprises ! La première fois, il y a trois ans avec Lord Tanamo. Et une nouvelle fois, y’a deux ans, avec Winston Francis, Derrick Morgan et Denis Alcapone. Et cette année nous serons présent le samedi sur la scène principale ! C’est déjà bien ! !

Dans ce festival qui a toujours accueilli des grandes pointures jamaïcaines, qu’est-ce que tu as vu qui t’a vraiment marqué ?
Richie : Au Summer Jam ? Nous, avec Tanamo ! ! (rires). Ben, Luciano avec Dean Frazer et Down I Band, Anthony B, Morgan Heritage qui étaient très biens. Et ce n’est pas surtout sur ce festival là que j’ai vu des choses impressionnantes. J’ai vu Burning Spear à Mayence. Nous étions là avec Laurel Aitken. Il a joué juste devant nous. Nous sommes arrivés sur la place pour notre deuxième concert du jour pour nous car nous avions un concert avant. On arrive là et le groupe joue « African Postman ». Waouh ! C’était magique, vraiment ! Mon premier concert de reggae-ska : Desmond Dekker à Münster. Ca m’a fait de l’effet ! (rires). Y’a des trucs comme ça. Les Skatalites à Hambourg… Ce qui est bien avec un festival pareil, c’est qu’on y voit tout le monde ! J’ai préféré Yellowman à Dortmund dans un club que là !

On manque vraiment d’infos sur ce qui ce passe de l’autre côté.
Richie : Mais c’est vrai. On a joué à Colmar, par exemple. Et c’est tout près de la frontière allemande. Et il n’y avait pas d’Allemands ! Et tu joues à Freiburg qui se situe à dix kilomètres de la frontière. Il n’y a pas de Français ! Quand on joue à Strasbourg, on voit un peu d’Allemands. Mais c’est bizarre… Le grand tube qu’on a fait avec les H-Blockx, on a vendu plus de 200000 exemplaires du single ! C’est monté jusqu’au N° 13. C’était énorme, on a fait des grands concerts. Mais en France, on n’en a pas parlé. Pour moi, ce qui est bien de tourner en France, c’est qu’ici je peux acheter des disques de variété française. J’adore la chanson française. Aujourd’hui j’ai acheté d’occase une douzaine de disques de variété française. (rires).

Quoi par exemple ?
Richie : Un peu de tout. Mano Solo, mais aussi Aznavour, Trenet… De Gainsbourg ou de Brassens, j’ai déjà tout donc il ne m’en faut plus. C’est surtout Aznavour, Brassens, Trenet que j’aime bien ! J’ai même un petit projet chez moi, où je fais de la chanson française, un tout petit truc avec une guitare jazz, un contre-basse, la voix et puis c’est tout ! Parce que ça me plaît, j’aime des parties de la culture française… Mais même les nouveautés d’Aznavour j’aime bien, de Bécaud… Aussi Pierplojack, Tonton David, Raggasonic, tout ça me plait !

Quels sont tes projets avec les Senior Allstars ? Ou plus personnels : un disque de reprises de chansons françaises ?
Richie : Oui peut-être… J’aimerai bien faire des adaptations de chansons françaises dans un style jamaïcain. C’est un rêve… « Ah, ça ira, ça ira, ça ira » ! J’ai des projets ragga avec d’autres labels. Notre bassiste et son frère créent des riddim ragga sur ordinateur et je fais du toasting dessus. Je viens de faire trois morceaux pour lui. J’ai fais un titre allemand et un autre qui doit sortir bientôt. Je n’ai pas de projet fixe, on verra. Dès fois, quelqu’un m’appelle pour me demander si je veux faire de la musique avec eux et je dis oui ! Si cela me plaît, je continue sinon je ne le refais pas. J’aime bien faire de la musique.

Grover, ton label, a l’habitude de signer de nombreux groupes ska revival. Les derniers en date sont les Allemands Spicy Roots. Connais-tu tous ces groupes ?
Richie : Oui, j’en connais pas mal. Tout ce qui sort sur Grover, j’écoute bien sûr parce que c’est ma maison de disques. Ce sont des groupes qui jouent souvent sur les mêmes festivals ou qui font la première partie de nos concerts. Ca m’intéresse bien sûr ! La scène ska bouge bien en Allemagne. Il y toujours de nouveaux groupes, certains bons d’autres moins. Parfois, des groupes pas convaincants, tu les retrouves un an après et ils sont très biens.

Et toi par exemple, tu n’as pas de poids sur Grover pour les influencer de signer tels ou tels groupes ?
Richie : Naturellement parce qu’ils succent ! ? ? (rires). Souvent c’est moi qui me charge des compilations comme le « Oletime Someting » ou les « Up Your Ears ». Je fais les notes de pochettes. Ca nous arrive de jouer avec un bon groupe qui nous demande si nous ne pouvons pas faire quelque chose pour eux. Et nous disons à Grover que c’est un groupe excellent, qu’il faudra les écouter et les signer. C’est le poids que nous avons pour aider Grover à se décider.

Pour finir, je me rappelle qu’à l’époque où tu venais au Jimmy à Bordeaux, tu t’amusais à charrier les bières françaises, la Kronenbourg notamment. Alors, qu’elle est la bière que tu préfères ?
Richie : Ben, aucune bières mais en grande quantité ! ! (rires). En ce moment, je ne bois pas depuis deux semaines, parce j’étais en tournée et malade. Je n’ai pas bu du tout ! J’avais des médicaments à prendre. Je ne fume pas non plus ! Je dors… J’aime bien le rhum des îles françaises, la Martinique, la fine fleur du sucre de canne. Mais si j’ai dit quelque chose sur la Kronenbourg, c’était pour rigoler !

Discographie sélective :

  • Dr. Ring Ding & The Senior Allstars « Dandimite ! », Grover 1995
  • Dr. Ring Ding & The Senior Allstars « Ram Di Dance », Grover 1997
  • Dr. Ring Ding & The Senior Allstars with friends « Diggin’ Up Dirt – the version album 1995/99 », Grover 1999
  • Lord Tanamo with Dr. Ring Ding & The Senior Allstars « Best Place In Town », Grover 2000
  • The Senior Allstars « Nemo », Grover 2000
  • Dr. Ring Ding & The Senior Allstars « Big Up ! », Grover/Tripsichord 2001.

Interview réalisée et retranscrite par Toshiba aidé de Stéphane Baudry et de Vincent Le Lann.

Un grand merci

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