Maximum Kouette

Décidément, l’association Landes Musiques Amplifiées apprécie beaucoup le Maximum Kouette, puisque c’est encore eux qui les programme une nouvelle fois. Départ dans l’urgence vers Capbreton en fin d’après-midi où je retrouve les membres du Maximum de retour d’une ballade sur la plage en passant par le port. L’ambiance est bonne enfant, l’humeur joyeuse. Il fait bon, l’été approche. On sent que le groupe à plaisir à s’aérer ainsi et le cœur et l’esprit. On est loin du béton parisien : ce soir ce sera fête. Mais avant un petit entretient rapide sur fond d’apéro au blanc sec. Rencontre avec quatre jeunes femmes à la conversation des plus agréables : Cox, bassite, Jane, guitare rythmique, Bun trompette/chant, et Paca, guitare. Merci LMA !

Un petit rappel historique de la formation… Mon premier souvenir du Maximum Kouette est un dimanche soir des fêtes de la Madeleine à Mont-de-Marsan où il n’y avait que cinq jeunes filles !
Cox : C’était lors de la deuxième mouture car on est un vieux groupe.
En 1999, avec l’arrivée de David on a été sept et maintenant on est huit. Je crois que l’on aura du mal à augmenter.

A l’époque, il y avait un autre groupe de formation féminine, les Zarmazones, qui vivaient un peu comme vous dans des squatts et des choses comme ça
Paca : On ne vit pas dans des squatts, on a répété pendant deux ans à Paris dans le squatt de la rue de Malte où on était sept à huit groupes à répéter.
Cox : je suis la seule, mais j’ai lâché au bout d’un moment à cause de la collection de vynils, la basse… C’est un choix de vie. Je reste sympatisante et militante.
Jane : Le seul point commun que l’on ait avec les Zarmazones, c’est qu’il y a des filles. On a commencé à exister à la même époque mais nous n’avons pas les mêmes idées, on ne défend pas les mêmes choses et on ne fait pas la même musique. Elles sont différentes et humainement on s’écarte.
Cox : Dans la musique que l’on fait, on n’essaye pas de définir un style, c’est l’école buissonnière façon Maximum Kouette.

Vous faîtes beaucoup de route, est-ce que cela devient un inconvénient pour vous de faire autant de kilomètres, de chercher des dates sur tout l’hexagone ?
Jane : On est mieux organisé qu’au départ. Au début, on était complètement autodidacte et on a eu la chance qu’en France on pouvait encore faire des concerts dans les bars, notamment à Paris. On a commencé à jouer à Belleville et à Menilmontant dans des bars rebeus. On jouait partout où l’on pouvait mettre un bout de sono, trois amplis. On squattait le matos des autres groupes. Nous, on avait envie de prendre la route, cela nous faisait rêver de voir les autres groupes partir avec un camion, du matos, un chauffeur, aller à l’hôtel… C’est l’aventure, la vie rock’n’roll…
Puis à Paris, quand la droite est passée au pouvoir, même six mois avant d’ailleurs, ils ont décidé de faire de Paris une carte postale, la vitrine de la France, donc il fallait que toutes ces nuisances sonores se taisent.
Mais je crois que cela est national, ça ne fait pas partie de la culture française la musique vivante dans les bars.
Maintenant, c’est lamentable il n’y a pratiquement plus de lieux, je ne sais pas comment font les groupes qui démarrent, ce doit être vraiment dur.
Paca : Ils font un peu comme nous, tu te fais des potes qui ont déjà un peu plus d’ouvertures qui essaient de les faire passer parce que tu crois en eux, tu leur donnes la chance que l’on t’a donné. Nous, on nous a donné une chance.
Et puis il y a des réseaux, comme le réseau hard-core ou le réseau reggae. Après, il faut aller chercher les endroits où il se passe quelque chose.
Jane : Le fait est qu’il est plus dur de trouver des lieux qui acceptent des concerts, que ce soit des concerts pros ou amateurs, la musique ce n’est pas une culture très française. Toute la grande scène en ce moment, c’est toujours chanson, poésie, ce sont souvent des gens qui ont des textes très revendicatifs, et leur expression est plus consensuelle sans être mièvre. Nous, on est dans un domaine d’expression qui est un peu plus corrosif et qui ne plaît pas forcément.

 http://adf.ly/4fdOMous avez tout de même des chansons à texte, vous vous inscrivez dans cette lignée là.
Jane : Le fait que l’on ait une batterie, des amplis, des guitares, on joue avec un certain niveau de décibels. On a fait pas mal de circuit, on a fait les bars et dès le départ on a eu l’opportunité de faire très vite des apparitions dans les gros festivals grâce à des gens qui nous ont trouvées rigolotes, que l’on a fait kiffé et qui nous ont invitées. Bon d’accord, les premières apparitions étaient à quatre heures de l’après-midi devant la baraque à frites, mais tu es tout de même invité à Bourges… Et puis c’est une sacré expérience ! La première fois que l’on a joué sur un gros plateau avec des retours, on ne savait pas comment cela marchait, on ne comprenait rien !!
Paca : Quand tu nous demandais si on se lassait de la route, il est vrai que parfois on en a un peu marre de se taper des heures de camion mais il y a 2 jours on est parti de Paris où tu es dans le bitume et hier on était en Dordogne où l’on a pris des petites routes : c’était tout vert, on a été accueilli royalement, aujourd’hui c’est pareil, après la balance on va prendre un verre face à la mer. Donc ça cela reste des plaisirs de route et rien que pour ça je ne peux pas m’en lasser.
Bun : Tu t’en lasses quand tu n’es pas très content de ce que tu fais, mais quand tu es content tu as envie de le montrer aux autres et tu peux faire le double, tu t’en fous, tu ne les vois pas passer les kilomètres.
Paca : Et puis maintenant, on est dans de bonnes conditions de tournée. Je ne dis pas que c’est le grand luxe mais on a des camions qui roulent. Quand on a commencé, on avait un camion qui roulait à 90 km/h…(rires) !!! Et de temps en temps, on se fait un petit plaisir en se déplaçant en train, on s’éclate !

Il n’y a donc pas encore de lassitude à parcourir l’hexagone.
Jane : Comme dans toute aventure artistique il y a des creux, c’est comme en surf : tu rames, tu rames et tout à coup tu attrapes la pure vague.
Bun : Tu rames trois heures pour cinq minutes de bonheur.

Surtout en surf, quand tu es débutant qu’est ce que tu morfles !
Jane : Quand tu es un groupe de rock débutant, tu morfles autant.
On est dans un cadre de vie riche : on rencontre des gens, on voit comment ils vivent, on voit des paysages, des villes. C’est riche d’expérience humaine.

Pour rester sur cette lassitude, vous avez un album qui est sorti en novembre 2002, est-ce que vous l’avez mûri avant qu’il ne sorte ? Le jouez-vous encore maintenant ? N’y a t-il pas pour des artistes une lassitude à jouer souvent les mêmes morceaux ?
Jane : C’était il y a à peine 6 mois. Un album avant que tu ne le joues sur scène, pour que ton show soit vraiment rodé et que tu prennes plaisir à le jouer sur scène, tu en as bien pour 9 mois à 1 an. Pour que tu l’ais vraiment dans les pattes, que tout le monde soit à l’aise dessus et que tu puisses envoyer la purée dedans, il faut ça !
Paca : Et puis quand on progresse, quand on joue un nouveau disque on joue encore des morceaux du premier sur scène mais forcément on les a repassés à la moulinette, il y a des choses qui mûrissent et c’est donc plus fluide. Il se passe des choses fun, on change des parties. Quand on aura ce set là à fond dans les pattes, on sera en train de faire le troisième album qui sortira et donc à chaque fois c’est comme ça.

Par rapport au troisième album, avez-vous déjà commencé à mettre en place de nouveaux morceaux ?
Paca : On a commencé à en parler, oui.

Dans la présentation que j’ai pour tout savoir sur le Maximum Kouette, j’ai lu le terme runk mélange de rock, punk et reggae, est-il toujours d’actualité ? C’est extrait d’un article paru dans l’Humanité.
Paca : C’est la base de nos influences communes. Après il peut y avoir comme des épices que l’on peut rajouter mais il est vrai que c’est la grosse base du groupe.
Jane : Les très grosses références vont être : Les Clash, La Mano Negra, Les Beatles, Les Rolling Stones, Bob Marley, Les Pixies, Nirvana.
Quand on écrit un morceau on ne se dit pas : « tiens, on va faire du rock ou autre », en fait le style musical qui enveloppe le morceau essaie d’aller avec ce qui est dit dedans. Il y a toujours un petit bout de Jamaïque qui ressort, un petit bout des Stones qui revient à la charge… Et nous sommes huit ! Donc huit personnalités avec des affinités musicales communes et aussi différentes. On essaie de faire ensemble quelque chose qui tient la route et qui exprime ce que l’on est ensemble.
Cox : Au départ du groupe, on ne s’est pas rencontré en disant on faire un groupe rock, cela s’est construit comme ça, on ne s’est pas vraiment choisi par affinité musicale, un petit peu tout même car si c’était trop différent cela ne pouvait pas le faire. C’est plus long mais finalement c’est chouette car cela permet de découvrir d’autres univers qui ne sont pas forcément les tiens et d’apprécier autre chose. Moi, dès fois, perso ça me casse les c… !!! Mais au final on arrive à faire des morceaux où tout le monde se retrouve.
Jane : Quand chaque couleur est sa place ça va. Il y a certain mélange qui font encore de jolies teintes, si tu mélanges tout cela fait caca d’oie ! C’est de la cuisine ! C’est assez indigeste, c’est sûr. Parois, je joue des morceaux et je me dis mais ce n’est pas ça et puis l’année d’après on le rejoue et là je me dis que je suis passée à côté du morceau, que je n’ai pas compris le truc, en fait c’était comme ça qu’il fallait que je le perçoive, c’est ça qu’il fallait que j’amène dedans pour que je le sente, que je le porte aussi.

Est-ce que cet échange, où tout un chacun amène son univers musical, n’est pas une clé pour créer de nouveaux morceaux toujours différents des précédents et dans l’optique d’avoir à chaque fois un album différent des autres ? N’est-ce pas un des secrets ?
Jane : Dans chaque album, tous les morceaux sont différents. Au départ, on nous l’a reproché, on nous a dit que ce que nous faisions allait du coq à l’âne.
Paca : Maintenant, c’est de l’indépendance stylistique !
Jane : Au bout de dix ans de persistance, les gens se font finalement à ce que tu fais. Mais au départ, on nous a dit de choisir notre camp, mais nous sommes des nomades donc on n’a pas à choisir. Il y a une musique pour chaque moment de la journée, pour chaque sentiment et chaque émotion, et voilà on ne se met pas de contraintes.

La Mano Negra avait ouvert les portes en faisant des styles totalement différents, allant du rap en passant par le punk rock, de la musique plus latino, des influences salsa, des choses comme ça…
Paca : ça fait un peu Mano Negra notre truc.
Jane : Les Beasty Boys ont eu la même démarche, mais il est vrai que quand tu arrives à une notoriété suffisante pour que ton nom devienne un style on ne reprochera pas le mélange de styles. Mais tant que tu restes dans l’anonymat, que tu es un groupe parmi d’autres, et que tu envoies une bio et une cassette, et que les mecs ont du mal à mettre sur l’affiche ce que c’est, ils ont fini par mettre que c’était un groupe de filles. Un groupe de filles bruyantes (rires), comme ça pas de quiproquo !!
Ce n’est pas de notre faute, nous n’avons jamais communiqué sur le fait que l’on soit des filles. Sur la tournée des Burning Heads, ils croyaient que l’on était breton et que l’on était un groupe avec une chanteuse, ils n’avaient même pas capté que l’on était que des filles dans le groupe !
Cox : J’ai vraiment eu la sensation pendant cinq, dix ans, que lorsque tu disais que tu venais du milieu alternatif des années 80 cela était devenu ringard, et là depuis quelques années il y a une nouvelle émergence d’une scène alternative dans le sens où les groupes se prennent en charge… Pendant une dizaine d’années, on ne parlait plus trop de ça sauf avec des gens qui étaient encore dans ce truc là et maintenant cela revient sur le devant parce qu’il y a de nouveau tous ces groupes qui ont tracé leur chemin pendant une dizaine d’années et donc on remet ça au goût du jour. Il y a eu aussi le fait que Manu Chao revienne tout seul. Je pense que c’est un tout qui a fait que maintenant on re-cite ces groupes en référence.

Jane : « Indé », le mot tabou, qui voulait dire le pauvre groupe qui n’a pas de maison de disques.
Bun : Alors que c’est un état d’esprit. Ce que l’on appelle alternatif c’est une alternative à la soupe ambiante, c’est une autre façon de faire, c’est une autonomie. C’est le truc des punks de base ! C’est le « do it yourself » ! Ce n’est pas parce que l’on n’en parle pas dans les Inrockuptibles par exemple, que cela n’existe pas. On a fait un festival à Strasbourg, les Arte Facts, où l’affiche peut être qualifiée de rock alternatif, cela allait des Wampas, Burning Heads, aux Fils de Teuphu… Il y avait du monde, ce n’est pas parce que l’on n’en parle pas que ça n’existe pas.
Paca : En ce moment, on nous bassine dans les gros médias d’une sorte de culture kleenex à deux francs avec des gens que l’on sort de l’anonymat, que l’on fait maigrir de 40 kg et chanter dans un vocodeur. On a toujours vécu ça depuis les yéyé et même avant, mais là c’est tellement trop qu’il y a une réaction des gens qui ont envie de voir autre chose. Mais comme on ne le propose pas dans les « mainstreams », ils vont aller chercher eux-mêmes et pour nous, c’est une énorme opportunité parce que du coup il y a plein de gens qui s’intéresse de nouveau à ce qui se passe et qui n’est pas écrit dans les journaux et qui ne passe pas à la télé ou à la radio. Nous sommes environ 30 à 40 groupes qui depuis presque dix ans sont sur la route. On a beaucoup appris, on connaît de mieux en mieux notre métier. On se structure et on joue mieux, on est un peu des artisans. On fait notre truc le mieux possible et ça commence à avoir une reconnaissance parce qu’au bout d’un moment ce que l’on propose tient la route et a un propos sincère.
Cox : C’est vraiment le truc du label Small Axe. La plupart des groupes nous nous connaissons tous. Cela fait des années qu’on se croise sur la route. C’est un chouette label et Stéphane, qui s’en occupe ainsi que de Big Mama, a un bon état d’esprit et je trouve qu’il fait bien bouger les choses.
Paca : Il y a d’autres labels aussi, comme le label des Amis de ta Femme qui commence à être super dynamique. Il y a des choses en notre faveur comme la technologie qui est de moins en moins chère ce qui permet de faire des choses aussi bien avec moins de moyens parce que ce qui a toujours été embêtant dans l’alternatif et l’indépendant se sont les moyens économiques. Nous sommes huit musiciens, douze sur la route, cela représente une économie. Et quand cela fait dix ans que tu économises trois francs pour faire une affiche, ça paye ! Cela nous permet d’être aux aguets, d’être réactifs. Stéphane est le mec qui a le plus d’idées à la minute car comme il n’a pas beaucoup de moyens il rentabilise toutes les idées qu’il a. il fait le truc à fond, il n’y a pas de tourisme.

Vous avez plusieurs textes en espagnol notamment avec le titre Guay qui est un mot d’Amérique latine qui est l’américanisation du terme guy, non ? Il y a tout de même des traces latino dont vous n’avez pas parlées dans vos références.
Bun : Je viens de Madrid et guay signifie, du moins quand j’étais en Espagne et que l’on fumait des pétards, on disait du chichon qu’il était : « guay del Paraguay » s’il était très bon et « full de Istanbul » s’il était très mauvais.
Paca : Nous avons une forte culture méditerranéenne même si l’on écoute des choses très rock’n’roll on a tout de même ce côté latin français. On aime le sud. L’espagnol est une langue qui se chante, ce sont des musiques qui sont traditionnellement festives. On n’a pas pris de parti pris de faire un truc en espagnol, en anglais ou en français, nous, on fait de la musique de la rue.
Cox : On n’a pas cité ce côté latin dans nos références car le simple fait de citer de la Mano, il y a déjà énormément le côté latin. Par exemple, Mounette, la chanteuse, quand elle était ado a suivi la Mano sur toute la tournée des banlieues, toutes les dates qu’ils faisaient sur Pigalle, elle était à tous les concerts et pour elle, c’est une de ses influences majeures. Ca lui a donné envie d’aller en Espagne, de développer tout ça.
En ce qui me concerne, je ne parle pas espagnol, je n’ai pas une culture latine très prononcée mais elle vient de groupes comme la Mano Negra où je l’ai découverte à travers un groupe d’ici qui mélangeait la sauce rock’n’roll avec des ingrédients comme la musique africaine.
Paca : Les skatelites sont pour moi vraiment le clash de beaucoup de cultures : ça faisait du jazz, de la musique militaire, de la musique africaine… Tout ça s’est un gros mélange de tas d’expressions qui sont des expressions de rue en fait.

Et au sujet de Bukowski ?
Jane : Bukowski est connu pour ses frasques alcooliques et sexuelles aussi, et il est vrai que ça peut arriver quand tu es vraiment torché…
Paca : La plupart des chansons que l’on écrit sont des chansons d’amour que l’on maquille pour que cela ne fasse pas trop « cucu la praline » mais quand tu écoutes le disque on parle beaucoup de ça. Du fait que l’on vive en société, on se pose beaucoup de questions sur l’humanité, on n’est pas un groupe revendicatif ou engagé comme Zebda, on n’a pas une action même si de temps en temps on essaye de faire à notre niveau des petits trucs. On est comme tous les gens qui réfléchissent un peu et qui se demandent ce qui se passe et pourquoi. Vive le rock’n’roll et l’amour ! ! !

Interview réalisé par Toshiba
Retranscription Sandra BERLON.

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